De l’objectif à la réussite : pourquoi formuler ses objectifs ne suffit pas pour réussir?

06/06/2019

De l’objectif à la réussite, nous passons parfois par des étapes qui ressemblent plus à des tunnels sans fin qu’à des longs fleuves tranquilles.

La réussite est parée d’un certain nombre de vertus qui semblent toutes converger vers l’accomplissement de soi mais dérivent parfois vers un manque de confiance et de motivation, avec en arrière-plan des réflexes inconscients et une diabolisation de l’échec.

Force est pourtant de constater qu’en début d’année, la tendance est souvent à l’objectif. D’ailleurs, quels sont les vôtres ? Où en êtes-vous?

Perdre du poids ? Arrêter le sucre, la cigarette, l’alcool ? Faire du sport ? Commencer une nouvelle discipline ? Courir un marathon ? Écrire un livre ?

Selon l’étude longitudinale de Norcross et Vangarell (1988), 77% des personnes qui ont listé leurs résolutions au Nouvel An ne les tiennent qu’une semaine, puis 55% les tiennent un mois, et enfin 19% les tiennent 2 ans.

Formuler un objectif ne suffit pas pour obtenir ce qu’on veut ou atteindre son but. Que l’objectif soit petit ou grand, à court ou à long terme, un but suppose une stratégie. Surtout lorsqu’il s’agit de changer un comportement.

Il y a finalement peu de différence entre vouloir atteindre le sommet d’une montagne et vouloir perdre du poids. Cela demande préparation, entraînement, motivation et confiance en soi.

Alors, si nous admettons la nécessité d’une stratégie, comment la mettre en place et par quoi commencer ? Par une bonne formulation.

L’une des premières difficultés que nous rencontrons lorsque l’on se fixe un objectif, c’est de le formuler. Une bonne formulation répond à 3 critères (Snyder, 2002):

Une composante cognitive : C’est la représentation du but lui-même, la vision, la projection, l’image de votre but une fois atteint.

Une composante opératoire ( waypower ou pathway): C’est le plan, la trajectoire, le chemin qui mène à votre objectif.

Une composante motivationnelle (willpower ou agency): c’est le levier invisible qui vous fait tenir le cap et atteindre le sommet.

Prenons l’exemple de Pierre qui décide sérieusement à maigrir.

Cette formulation ressemble à celles que nous formulons assez naturellement. Elle ne fixe cependant aucune cadre : pourquoi, quand, comment, dans quel contexte, en vue de satisfaire quel besoin, dans quel délai, avec l’aide de quoi ?

Une source d’échec pourrait donc être une mauvaise formulation de nos objectifs.

Une bonne formulation doit permettre au cerveau de créer des images, des mots, des idées, en lien avec l’objectif et appropriés au contexte. 

Avant d’aller plus loin, fermez les yeux et pensez à un but que vous voulez atteindre. « Quelle est la première image ou pensée qui a traversé votre esprit, et combien de temps cela vous a-t-il pris pour voir quelque chose ? Si vous êtes comme ceux qui ont participé à cet exercice, cela ne prend que quelques secondes pour imaginer ce que vous voulez voir arriver. Vous pouvez avoir de grands ou de petits buts, ils peuvent être à court terme ou à long terme…/… notre esprit a besoin de les représenter dans leur réalité physique avant que nous fassions quoi que ce soit pour les atteindre.» (Snyder, 1994)

Il s’agit de définir et de préciser ses désirs, ce qu’ils sous-tendent et ce qu’ils impliquent pour permettre le maintien de la motivation.

Des buts clairement définis facilitent l’orientation des pensées conscientes vers leur réalisation (Snyder, 2002), et la mesure des progrès accomplis en cours de route. (Emmons,1992)

Ces buts doivent également être perçus comme possibles pour renforcer les probabilités de succès tout en mobilisant les ressources nécessaires et favoriser le maintien de la motivation.

Une bonne formulation est donc une « S.U.P.E.R » formulation, c’est-à-dire qu’elle est : spécifique, unique, positive, écologique, reconnaissable.

S comme spécifique: Votre objectif doit être précis à 3 niveaux : quant au résultat attendu (-5kg, soit X kg affichés sur la balance me permettant de rentrer dans mon jean taille x), quant au délai imparti (d’ici  2 mois, soit 5 semaines), quant au contexte ( personnel, professionnel, relationnel…)

U comme Unique: Votre objectif est formulé à la première personne, il est important pour vous et n’implique que vous. Se fixer un objectif pour faire plaisir à un tiers est voué à l’échec sur le long terme. Bonne formule : Je veux perdre du poids pour me sentir mieux dans ma peau et pouvoir (re)faire du sport

P comme Positif: Votre objectif est formulé de façon positive en exprimant ce que vous voulez et non pas en terme d’évitement en exprimant ce que vous ne voulez plus. Les négations « ne pas », « ne plus » sont à bannir. Bonne formule :  Je veux avoir un corps plus svelte et me sentir mieux dans mon corps

E comme écologique: Votre objectif doit respecter l’équilibre de votre système, c’est-à-dire que vous devez être parfaitement conscient de ce que sa réalisation va vous apporter en terme de gain, mais également de perte. Il est essentiel à ce niveau de vous assurer que l’atteinte de votre objectif ne va pas entraîner une conséquence négative qui pourrait motiver votre inconscient à ne pas l’atteindre !

R comme reconnaissable: Des éléments concrets doivent vous permettre d’identifier le chemin accompli au fil des étapes et de reconnaître la ligne d’arrivée.

Clé N°1 : Avec une SUPER formulation, vous posez un cadre fiable et vous avez des repères. Vous favorisez et vous facilitez l’accès à votre objectif. 

Une fois un but bien défini, se pose la question légitime du comment. C’est la composante opératoire

Une composante opératoire, ou le facteur « pathway » : comment vais-je réaliser mon objectif ?

Le « Comment » revient à tracer des voies, mais aussi à élaborer des plan B, prévoir des roues de secourset s’assurer l’aide d’alliés sur qui pouvez compter en cas de nécessité.

Imaginer des solutions, des alternatives, face aux obstacles possibles (Snyder, Harris et al, 1991) permet de se rapprocher des buts, de renforcer le niveau de confiance en soi.

Pour continuer avec l’exemple de Pierre, il est probable qu’il va être confronté à des situations délicates et inconfortables : déjeuners d’affaire, repas entre amis, situation de stress entraînant des comportements automatiques entièrement pilotés par l’inconscient.

Clé N°2 : En prévoyant les plans B, vous mettez en œuvre des solutions alternatives et vous assurez vos arrières. Vous facilitez le passage des obstacles.

Une fois que vous avez votre vision, un plan, des alternatives et des alliés, il vous faut tenir le Cap émotionnellement.  C’est la dimension motivationnelle.

La composante motivationnelle ou le facteur « willpower ou agency »:quel est mon niveau de confiance et de volonté? 

Ce critère repose sur la volonté et la confiance que vous allez mettre en œuvre pour atteindre le résultat désiré. Ce critère est d’autant plus important qu’il va permettre de ne pas abandonner face à l’adversité.

A ce stade, toute la difficulté réside dans votre capacité à gérer vos émotions et déjouer les pièges de l’ego. Ces derniers sont à la fois faciles à identifier et difficiles à détourner.

Faciles à identifiercar l’ego passe son temps à faire des suggestions, sous forme de liste de peurs, de doutes ou d’excuses, visant à vous maintenir dans le confort de ses petites habitudes.

Objectif sport : Tu ne vas pas aller courir alors que tu as mal au ventre et du boulot par-dessus la tête ! Tu ne peux pas aller à la piscine puisque tu n’es pas épilée ! Tu n’as pas le temps de faire du sport !

Objectif nouveau job : Tu ne vas pas risquer de perdre un job bien payé pour risquer de te mettre à ton compte ! Si tu te plantes, on va se retrouver sans chômage et on va perdre des précieux trimestres de retraite !

Difficiles à détourner car chaque suggestion met cruellement à l’épreuve votre niveau de confiance en vous (plus on est insécurisé dans un domaine, plus les suggestions de l’ego sont affolantes) et votre degré de volonté (plus l’objectif demande de changer des habitudes, plus les tentations de revenir en arrière sont nombreuses).

Dès lors que notre objectif implique un changement de comportement, un changement d’habitude, une autre façon de penser ou de faire, cela va « nécessiter de votre part un effort relatif mais continu. » (D. Kahneman)

Quand le doute, la difficulté ou la pulsion surgit, ce dont nous avons le plus besoin, en plus des stratégies alternatives mises en place, pour ne pas nous éloigner ou renoncer à son objectif, « c’est être capable de détourner son attention d’une cible indésirable, avant tout en la concentrant intensément sur une autre. » ( D. Kahneman)

Clé N°3 : En apprenant à être précis, attentif et en puisant intelligemment dans vos ressources, vous développez votre capacité à maintenir le cap. De plus en plus facilement et de plus en plus sûrement!

La cerise sur le gâteau, c’est que plus vous vous sentez capable, plus vous renforcez votre confiance en vous.

Bien entendu, nous n’avons pas tous reçu le cadeau de la confiance dans notre enfance. La bonne nouvelle, c’est qu’en adoptant une vision existentialiste de la confiance en soi, on peut considérer qu’elle se construit.

Comme le dit si positivement Charles Pépin : « O n ne naît pas confiant, on le devient. …/… La confiance en soi est une conquête, patiente, difficile. Elle est aussi parfois, lorsque notre maîtrise culmine dans une forme d’abandon, l’occasion d’une joie profonde . »

Avant de nous dire, plus ou moins consciemment, « je suis nul » et« je n’y arriverai jamais», émettons l’hypothèse que nous manquons peut-être d’un cadre, d’une bonne formulation, d’un plan, ou simplement d’entraînement (si notre objectif requiert des compétences particulières) ou d’un apprentissage supplémentaire.

« Mais cela suppose de bien se connaître pour être conscient de ce manque » et de la nécessité de le compenser, d’apprendre, ou de s’entraîner davantage et plus efficacement.

On voit bien que vouloir « maigrir, arrêter de fumer, changer de job, écrire un livre ou courir un marathon… » est un véritable processus.

Définir un objectif, c’est lui donner un cadre en fonction de qui nous sommes. Puis évoluer pas à pas dans la confiance, en recadrant ce qui doit l’être au fil du temps, toujours dans la douceur et avec bienveillance vis-à-vis de soi.

Je propose souvent à mes clients de se mettre dans la tête d’un sportif de haut niveau quand il se fixe des objectifs. Cela peut sembler excessif, c’est pourtant une « nouvelle habitude » qui permet au cerveau d’apprendre à se connaître, de mieux en mieux, et à développer des stratégies de réussite, de plus en plus efficaces.

Que votre objectif soit lié au domaine personnel, professionnel ou relationnel, vous avez une façon très particulière de réussir, mais aussi d’échouer.

« L’influence de notre inconscient s’exerce sur presque tout. » ( J. Bargh)

Mettre en lumière vos failles, les travailler, les compenser, trouver des astuces pour accélérer les processus de changement, c’est multiplier vos forces.

John Bargh a notamment étudié ceux qui ont un mental d’acier. Il a identifié 2 composantes*: ils ne réfléchissent pas et ils préparent leur routine.

Quelque soit l’objectif, qu’il soit petit ou grand, à court ou à long terme, préparer le terrain est essentiel.

Plus on s’entraîne à mettre en place des routines, plus ces rituels viennent « se substituer à la volonté, » (Pépin), plus on gagne en confiance et en performance pour chaque prochain objectif.

Atteindre un objectif met en relief la nécessité d’explorer la relation à soi, autant que la relation aux autres et sa relation au monde, pour favoriser un accomplissement épanouissant dans lequel on va progresser et évoluer en toute sérénité.

Un présupposé de base en matière de défi à relever ou d’objectif à tenir, c’est d’éviter toutes les comparaisons possibles. Vous êtes unique. Vous avez une façon unique d’avancer, d’évoluer, de rater, de vous décourager ou de rebondir, de recommencer, d’échouer et de réussir. Les connaitre vous aideront davantage que vous comparer aux autres. Inutile de laisser l’ego nous mettre des bâtons dans les roues, avec des sources de culpabilité ou de découragement. Chacun avance à sa façon et à son rythme.

Donc, si vous avez déjà pris quelques résolutions cette année, vous pouvez vérifier qu’elles répondent à une SUPER formulation. Le questionnaire  » Ma check-list de questions utiles », annexé sous la vidéo de la chaîne Possible « Utiliser vos forces et vos atouts« , vous permettra d’approfondir votre connaissance de soi.

Avec ces quelques astuces en plus, vous serez étonnés de ce que vous pouvez dépasser et accomplir !

Je vous souhaite de vous amuser, d’essayer, de rebondir, de changer de trajectoire et de recommencer autant de fois que nécessaire… mais en vous rappelant toujours que vous avez tenté de faire vos premiers pas plus de 2 500 fois, avant de réussir ! Vous n’étiez alors pas plus haut que trois pommes… 

Soyez patient et attentionné avec vous-même. 

L’équilibre n’est qu’à quelque pas de vous.

Valérie Pharès

Références

–      Snyder, C.R (1994), The Psychology of hope : You can get there from here- The free Press,

–      Snyder, C.R, Feldman, B.D, Shorey, H.S&Rand, K.L (2002). Hopeful choice: A school counselor’s guide to hope theory- Profesionnal School Counseling, 5(5), 298-307

–      Emmons, R.A. (1992 . abstractversus concrete goals : Personnal striving level, physical illness, ans psychological weel-being- Journal of personality ans Social Psychology, 62(2), 292-300.

–      Daniel Kahneman  (2011), Système 1 Système 2 : Les deux vitesses de la pensée Fammarion

–      John Bargh (2017), « Before You Know It: The Unconscious Reasons We Do What We Do)- Touchstone

–      Charles Pépin (2018), La confiance en soi, une philosophie- Allaray Edition

–      Norcros, J.C, &Vangarelli, D.J (1988). The resolution solution: Longitudinal examination of New year’s change attemps. Journal of Substance Abuse. 1(2), 127-134

–      * Cette étude a été menée par Jonh Bargh avec l’université de Yale.